A cœur ouvert avec Tiguy Elebe Montigiya, Écrivain et promoteur littéraire congolais XXL !

Culture
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La littérature congolaise a connu une certaine accalmie pendant la période de transition démocratique, caractérisée par les tumultes de la Conférence Nationale Souveraine, ainsi que le surgissement par effraction de l’Alliance des Forces Démocratiques de Libération du Congo, avec à sa tête M’zee Laurent Désiré Mobutu, le tombeur du Maréchal Mobutu.
Il faut dire que les soubresauts de la transition post-mortem du Soldat du Peuple ont encore fragilisé la création, la promotion et la production littéraire. 

Ainsi, le monde de la créativité littéraire congolaise a failli être voué aux gémonies. Mais grâce à la ténacité et à la sagacité de quelques passionnés des Belles-Lettres, l’art d’écrire n’a pas été mis à la portion congrue. On note d’ailleurs que depuis un bon bout de temps, les Muses sont de plus en plus attentives aux prouesses de ceux qui ont choisi la littérature comme moyen d’expression, pourquoi pas celui d’existence. 

Beaucoup d’acteurs de divers horizons ont certes été au carrefour de cette renaissance, agissante, voire performante, quand bien même qu’elle paraîtrait quelquefois éparse ! 
Parmi les héros dans l’ombre de ce renouveau de la créativité littéraire congolaise, on peut aisément citer, toutes catégories confondues, le non moins célèbre Tiguy Elebe Montigiya, l’instigateur du label « Les Plumes Conscientes ».

 Aujourd’hui, cet amoureux de l’écriture et de la lecture, qui se manifeste le plus souvent dans sa posture de promoteur des écrits de ses congénères, à travers ses prestations télévisées ou sur les réseaux sociaux, annonce la parution imminente d’un roman époustouflant titré « Le crépuscule des absolus », dont la sortie officielle est fixée au 1er août 2025, et son vernissage au 24 septembre prochain. Il sied de signaler ici que le roman annoncé est sa deuxième performance littéraire, en plus bien sûr de son premier ouvrage titré le Cancer de Carine, qu’on peut situer dans le genre argumentatif dit  » développement personnel ».

Toujours à l’affût de l’actualité, votre tabloïd a pu mettre les grappins sur cet homme qui parle volontiers des exploits des autres, mais qui est souvent motus et bouche cousue quant aux siens propres, cet homme au verbe facile que tout le monde suit avec révérence, mais dont très peu de gens connaissent avec acuité la quintessence littéraire. 

Faveur nous fut donc donnée de l’accrocher, afin de découvrir le monstre sacré qui se cache derrière la personnalité plurielle du fils de l’écrivain talentueux Philippe Elebe Ma Ekonzo. Voici donc ci-après comment ce féru de la littérature se définit lui-même, et par ricochet, comment il décrypte sa vision littéraire.

MA : Que pensez-vous des gens qui décrètent que Tiguy Elebe Montigiya est un des plus grands influenceurs littéraires actuels de la RDC ? 
 
Tiguy Elebe Montigiya :
Grand influenceur littéraire, je ne sais pas si je devrais me permettre de porter cette casquette-là. J’essaie tout simplement de partager avec mes compatriotes ma passion pour la littérature, puisque convaincu que c’est le lieu par excellence du façonnement des hommes et de la fécondation de l’imagination. C’est en réalité le domaine de la création qui mène à coup sûr l’homme vers un état démiurgique. 

On ne connaît presque plus des chansons datant de l’époque de Jésus-Christ, mais la Bible se trouve être un des livres les plus lus de la planète bleue depuis plus de 2000 ans. Socrate a vécu quatre siècles avant Jésus-Christ, mais nous lisons toujours sa pensée philosophique à travers les écrits de ses épigones : Platon et Xénofon. Si la passion de l’écriture et de la lecture que je communique aux miens arrive à toucher des âmes, au point de susciter une certaine catharsis, et si c’est cela qui signifie « être influenceur », alors pourquoi pas? Mais pas nécessairement avec le superlatif « le plus grand ».

MA : Vous semblez gagner vos galons plus dans la promotion de l’art d’écrire et de ses faiseurs que comme écrivain. Est-ce un choix ou un besoin qui s’impose à vous d’une manière délibérée, irréversible, irrémédiable ?

Tiguy Elebe Montigiya: En apparence, oui. Puisque de toute évidence, j’ai très tôt ressenti le besoin d’apporter ma petite pierre à l’édification de notre littérature. Lorsque je lance pour la première fois le concept « Les Plumes Conscientes » à la télévision, là nous sommes vers les années 2006 ou 2007, à l’époque, il n’y avait presque pas de programmes ayant trait à la littérature, pas de vraies émissions qui donnent la parole aux écrivains, ou aux lecteurs passionnés, encore moins aux bibliophiles, dans les différents médias nationaux. 

Ainsi, j’avais créé un rendez-vous de référence avec les amoureux de la littérature, lequel avait évolué plus tard en un concours littéraire ayant permis de révéler pas mal de néophytes aujourd’hui devenus écrivains renommés. Ces choses méritent d’être dites, car elles font partie de l’histoire et sont les témoins de l’émulation créative dans notre littérature. Quand d’aucuns me demandent parfois si cela m’a déjà valu une quelconque reconnaissance, je me contente de sourire. Je suis de ceux qui ne travaillent pas nécessairement pour un plébiscite personnel, mais plutôt pour le bien-être de la communauté. Pour autant que j’ai le sentiment d’avoir participé à l’édification de la collectivité, cela me suffit amplement.

MA : Qu’est-ce ça fait d’entendre le témoignage d’un Richard Ali par exemple, lorsque cet écrivain de renom, aujourd’hui ambassadeur de la littérature congolaise, dit avoir été boosté dans le monde de l’écrit, grâce entre autres à son passage dans l’une de vos émissions ? 

Tiguy Elebe Montigiya : J’ai connu Richard Ali, justement à l’occasion des activités des « Plumes Conscientes ». Jeune, il avait déjà cette fougue, cette passion pour les mots. Je me souviens d’une émission à laquelle je l’avais convié, après qu’il ait reçu le prix Marc Twain, où il avait eu les mots si justes et si éthérés que cela lui avait valu beaucoup de sympathie des téléspectateurs. Il y a des destins qui ne trompent pas, n’est-ce pas ? Mais Richard n’est pas le seul exemple des personnes qui ont été, d’une manière ou d’une autre, influencées par le mouvement littéraire « Les Plumes Conscientes ». 

Ça me donne du baume au cœur lorsque je les rencontre, lui comme tant d’autres écrivains et passionnés de la littérature, lors des activités littéraires. Je mesure alors le chemin parcouru et je me dis du fond de mon cœur : je ne me suis donc pas trompé !

Dans le cheminement des « Plumes Conscientes », il y a véritablement un pan mémorable de l’histoire de notre littérature qu’il faudra un jour consigner à l’encre indélébile pour la postérité.

MA : Les plumes conscientes, n’est-ce pas-là le cheval de bataille de votre engagement littéraire ? Quel est le vrai contenu de ce label ? 

Tiguy Elebe Montigiya : Les plumes conscientes, c’est la métaphore parfaite de l’idée de la promotion à la fois de l’écriture, de la lecture et de la réflexion. C’est un mouvement littéraire qui vise à promouvoir l’écriture, la lecture, les auteurs, ainsi que les espaces d’expression autour du livre. C’est également des concours littéraires, des contenus vidéos, des podcasts et un cadre de transmission du témoin par les anciens aux plus jeunes. 

Nous militons également pour l’amélioration des conditions des écrivains par des plaidoyers. Aucune société ne peut se développer sans la réflexion critique, sans les élucubrations des penseurs, sans l’apport des intellectuels avérés. Et le véhicule par excellence de la pensée, c’est le livre. Il est donc nécessaire de repenser l’avenir du livre, de récréer l’industrie du livre, de valoriser la chaîne de valeur ajoutée du livre en RDC. Ce sont-là, en tout état de cause, les axes principaux de notre combat.      

MA : Est-ce que les Elebe sont moulus dans l’ADN de l’écriture ? Est-ce qu’il faut être un écrivain pour porter valablement le nom d’Elebe ? Déjà à l’époque, il y avait deux Phillipe Elebe, Lisembe et ma Ekonzo, qui s’étaient exprimés avec un grand bonheur comme auteurs, et dans la génération actuelle, on parle souvent de Tiguy, Tony, Yolande, Nick et de tant d’autres Elebe qui s’adonnent à l’écriture.

Tiguy Elebe Montingiya : Évidemment, les fils et les filles de feu Elebe ma Ekonzo portent en eux les germes de l’écriture. Évidemment, certains d’entre eux ont plus développé cette passion que les autres, mais le socle demeure le même. Nous avions un père qui aimait la culture, en sa qualité de romancier, poète, dramaturge et peintre. Et par-dessus tout, il maniait le verbe avec une éloquence éblouissante. Nous avons eu beaucoup de chance, je crois, de l’avoir eu comme père. 

Forcément, sa passion s’est répandue avec une formidable emprise sur ses rejetons, bien sûr, à divers degrés de réceptivité. Mais cela ne veut pas pour autant dire qu’il faut être un écrivain pour porter le nom d’Elebe. Notre père savait déceler le potentiel qui réside en chacun de ses enfants. Et en sus de la dignité, l’héritage le plus précieux qu’il nous a légué, c’est ce potentiel qu’il me semble important de mettre en lumière. C’est en cela que l’on peut être fier de porter le nom d’Elebe.

MA : Dans ce fourmillement de l’écriture dans la famille Elebe, est-ce que ça crée de l’émulation ou des complexes, notamment par rapport au niveau atteint par ce patriarche de l’écriture congolaise qu’avait été votre géniteur, Philippe Elebe Ma Ekonzo ?

Tiguy Elebe Montingiya: Si vous avez lu Philippe Elebe ma Ekonzo, mon père, je n’ai pas besoin de vous décrire la qualité de sa plume. Mes mots ne seraient qu’euphémisme pour traduire sa beauté et sa rigueur. 

En revanche, il n’y a aucun complexe à nourrir de ce fait là ! Pourquoi y en aurait-il ? De mon point de vue, chaque auteur, par sa particularité, a quelque chose à donner à l’humanité. Il ne m’est jamais venu à l’esprit de vouloir écrire comme mon père ou comme mes frères et sœurs. Chaque plume est unique, et a sa sensibilité, pour autant qu’elle soit sincère. Chaque livre qui paraît est une partie de soi qu’on abandonne à la merci des lecteurs, qu’ils y trouvent leurs comptes ou pas, qu’ils l’aiment ou qu’ils ne l’aiment pas !

MA : Du plébiscite littéraire à l’engagement politique actif, à l’instar de votre père, voire de votre sœur, qui est actuellement la ministre congolaise de la culture, ça vous tente ?

Tiguy Elebe Montigiya : Pour vous dire vrai, honnêtement, je ne sais pas. La politique n’est jamais bien loin des habitants de la cité, en réalité. Cela dépend de la perception que chacun en fait. En ce qui me concerne, j’aime tirer les ficelles à l’ombre, bien loin des projecteurs. J’éprouve un sacré plaisir à être l’instigateur d’un discours qui jette la lumière sur un chef ou une autorité établie. C’est un plaisir jouissif que je ne saurais expliquer. Pour l’instant, je me contente de me laisser aller au gré de la vie et des circonstances.

MA : Comme auteur, on ne vous connait qu’un livre publié : le Cancer de Carine ! Pouvez-vous nous en dire un mot ?

Tiguy Elebe Montingiya : Le Cancer de Carine est un témoignage posthume que j’ai écrit en mémoire de ma première femme, décédée des suites d’un cancer du sein. Je voulais rendre témoignage de sa foi en Dieu et surtout, contribuer à la sensibilisation autour de cette maladie qui, détectée à temps, peut être prise en charge jusqu’à la guérison. C’est un livre qui m’a permis d’expérimenter la résilience. 

Remarié depuis 2017 avec ma charmante épouse, à qui je ne dirais jamais assez merci de m’avoir accepté dans sa vie après cette épreuve, je suis aujourd’hui père de trois ravissantes filles.

MA : Enfin, vous déployez votre grand jeu, en annonçant la sortie imminente de votre livre titré « Le crépuscule des absolus ». Ça sonne politiquement tendancieux, un peu provocateur, non ?

Tiguy Elebe Montingiya : Tendancieux ? Je ne sais pas. Ce n’est qu’un titre. Il faut lire le roman pour se faire sa propre religion. 

MA : De quoi parle-t-on alors dans votre roman ?

Tiguy Elebe Montingiya : L’histoire se déroule dans les rues de Mombonda, capitale bouillonnante du Kundinga, où une attaque éclair secoue les fondements du pouvoir. Le colonel Malonda, figure charismatique et redoutée, prend d’assaut les lieux symboliques de la nation avec un objectif : renverser le président Yetuladio, fondateur du MPDK. Mais dans l’ombre des projecteurs, rien ne se passe comme prévu… Qui sortira vainqueur de cette bataille pour le pouvoir ? Et à quel prix ? That’s the greats questions !

Toutefois, je peux vous assurer qu’il s’agit d’une fresque haletante mêlant complots politiques, manipulations médiatiques et campagne électorale féroce. On y découvre les rouages d’une démocratie fragile, où chaque espoir peut se transformer en menace. Ce récit poignant fait naturellement écho à notre époque, invitant à réfléchir sur les défis auxquels sont confrontées les démocraties du monde entier en général, et de l’Afrique subsaharienne en particulier.

MA : Ne craignez-vous pas d’être pris à partie par ceux qui peuvent penser que vous emberlificotez-là des mamelles qui ressemblent un tantinet à celles qui vous ont allaité ? Papa ayant fait partie de la Nomenclature d’un pouvoir décrié comme dictatorial ?

Tiguy Elebe Montingiya : La lecture d’un roman appelle à des perceptions différentes. Celles-ci sont souvent la plupart du temps subjectives. Quoiqu’il s’agisse d’une fiction, les faits relatés dans ce roman s’inspirent de la réalité, des faits vécus directement ou par procuration, par certains d’entre nous. Le romancier que je suis essaie juste d’interpeller les consciences sur la nature du pouvoir et ce qui l’entoure, sur ses manipulations, ses trahisons, ses corruptions, sa concussion, ses déviations et tant d’autres maux qui rongent nos sociétés. 

En outre, ce livre est également un questionnement récurrent sur la nature des idéologies dominantes comme systèmes de pensée et de valeurs largement acceptés et promus par les groupes sociaux qui détiennent le pouvoir dans une société donnée. À l’instar du libéralisme ou du socialisme, ces idéologies façonnent la manière dont les gens pensent, agissent, interagissent, et contribuent à maintenir l’ordre social existant. Pourtant, des critiques ne manquent pas sur leur capacité à endiguer les inégalités sociales, à limiter les possibilités de changement, sur leur hégémonie, etc. 

Loin de reproduire ces idéologies dominantes de manière aveugle, le roman qui va être bientôt amené aux fonts baptismaux fait l’écho d’une nouvelle façon de voir les choses : Le responsabilisme, dont le géniteur n’est autre que le philosophe Arsène Mwezi. J’invite d’ailleurs vos lecteurs à jeter un coup d’œil sur ses écrits sur la société responsabiliste.  

MA : Il a suffi d’une annonce discrète de la publication imminente de votre roman pour que ça fasse boule de neige ! Le 1er août paraît un peu ésotérique, n’est-ce pas ? La fête des petites amies ailleurs, des parents et des morts en RDC, quelle est la signification que vous donnez vous-mêmes au choix de cette date, qui paraît d’emblée emblématique ? Et où aura lieu cet événement ?

Tiguy Elebe Montingiya : Le 1er août peut prendre toutes les connotations mises en exergue dans votre questionnement ! Mais dans notre cas, c’est en réalité juste la date de la sortie officielle de notre deuxième livre dans les librairies et les plates-formes d’achat en ligne, le *vernissage étant programmé pour le 4 septembre 2025. J’invite donc tous les lecteurs et passionnés de la littérature à lire ce roman. Chacun aura alors sa propre perception de l’histoire qu’il relate.  

MA : On boucle la boucle avec une question à deux balles : qu’est-ce qu’on aurait pu dire, mais qui ne l’a pas été, par omission volontaire, par rétention de l’information, par oubli, voire par négligence ?

Tiguy Elebe Montingiya : Rien de particulier ne me vient à l’esprit. Mais je voudrais plutôt conclure cet entretien avec cette recommandation : Lisez, lisez encore et lisez toujours ! La lecture est un régal pour l’âme et un délice pour l’esprit. Elle participe à l’accomplissement de l’individu et de la société.

Sacré Tiguy Elebe Montigiya ! Toujours prompt à mettre la littérature en avant-plan de sa démarche, pour la bonne marche de l’humanité. La Rédaction de Média Actualité lui dit bon vent, pour sa nouvelle aventure littéraire qui va assurément l’amener vers des horizons prometteurs, pour la victoire de l’écriture congolaise.

Propos recueillis par Jean-Paul ILOPI Bokanga/Directeur de Rédaction.

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