A la clôture de la 9ème édition de la Grande Rentrée Littéraire de Kinshasa, l’émotion était à fleur de peau….

Culture
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La dernière GRLK a fermé ses portes le samedi 20 septembre 2025 au Centre Wallonie-Bruxelles de Kinshasa. Cette troisième journée de ce grand événement littéraire avait été riche en enseignements et en sensations. Commencée par une table ronde pleine d’intensité, avec une thématique très électrisante : « LITTÉRATURE ENGAGÉE : UNE ARME POUR DÉNONCER ET AGIR ? », cette activité a réuni autour d’une table de discussions et de diagnostic trois jeunes stars de la jeune littérature congolaise, en l’occurrence N’anza Tata, nom de plume de Bonheur Mutumba, l’auteur de « J’enverrai à Dieu tous les coupables », un roman paru récemment aux éditions Lettres mouchetées à Paris, Tony ELEBE Ma Ekonzo, auteur de « Sur les pavés de la République », un roman publié aux éditions Grand Lac à Kinshasa, et Tiguy Elebe Montigiya, qui vient de publier son premier roman intitulé « Le Crépuscule des absolus », aux éditions jets d’encre de Paris.

Vue d’ensemble du premier panel, de g. à dr Glodi Le Marc, Pat le Gourou, Tony Elebe Ma Ekonzo, Tiguy Elebe Montingiya et N’anza Tata.

La modération de ce panel tant attendu par le public avait été confiée au poète Pat Le Gourou et à Glodi Le Marc Bamenga, sous les bons auspices de la Clinique littéraire de Kinshasa, dont les deux précités sont l’initiateur et le directeur. La recension de cette rencontre inspirante devra en principe faire l’objet d’une analyse à part, tellement le débat avait été révélateur de la maturité culturelle de tous les intervenants, modérateurs ou panelistes pris ensemble. Finalement, l’assistance avait compris que le terme « engagement littéraire » se rapporte généralement à une prise de position en faveur du grand nombre, mais que cette option, si louable soit – elle, est forcément un choix de l’auteur, et non une implication obligatoire, encore moins contraignante.

Toutefois, en coulisses, le pharaon de la littérature congolaise François Médard Mayengo avait conseillé à ses jeunes épigones, pourquoi pas émules, via l’écrivain Tony Elebe Ma Ekonzo, de lire l’ouvrage de Jean-Paul Sartre intitulé « Qu’est-ce la littérature », pour mieux appréhender la notion de l’engagement littéraire. A ce sujet, Jean-Paul Brigode ILOPI Bokanga stipule la nécessité de l’engagement dans le contexte congolais, voire africain, en disant : il serait vraiment aberrant de se contenter de faire l’apologie de la magnificence de la nature, voire de la beauté des nymphes, au moment où ceux à qui toutes ces merveilles sont destinées croupissent dans un dénuement indescriptible (NDLR).

Les deux chevilles ouvrières de la Grande Rentrée Littéraire de Kinshasa, Mme Cécile Djonga, la directrice du Centre Wallonie-Bruxelles de Kinshasa, et M. Richard Ali, le responsable de la bibliothèque dudit centre, en pleine exhibition.

Lors du panel dit « Rencontre littéraire », la marraine Fabienne Zutterman avait fait
face aux étudiants de l’Université de Kinshasa, autour de son roman « L’Afrique pour se perdre » et de sa contribution dans l’anthologie «Repartir ensemble». L’évènement avait eu lieu à la Colline Inspirée, plus précisément au Cercle des hommes des lettres.

La deuxième Table Ronde et ses stars : Joyeux Ngoma, en mode modérateur, un jeune slameur, Joha n Mulenda, Benjamin Masiya et Jonathan Elenga.

LA PROSE POÉTIQUE POUR EXPRIMER L’INDICIBLE EN FICTION », c’était la thématique de la table ronde d’une séquence « Spéciale Poésie », avec les nouvelles voix prometteuses de la littérature congolaise. Au départ, ces nouvelles voix prometteuses étaient celles d’Higelin, l’auteur de « Quand le soleil accouche des miettes ou Kasala pour la ville morte », paru aux éditions Les immortels, à Lubumbashi, de Johan Mulenda, avec son « Ndombolo bazar », ouvrage au genre hybride publié aux éditions Grand Lac, à Kinshasa, de Jonathan Elenga, avec « La valse des tabous », ouvrage publié aux éditions Mayaka, à Kinshasa, et de l’intraitable Benjamin Massiya, alias Tetra le Slameur, auteur de la pièce de théâtre au titre provocateur de « La fin de la dictature de Dieu », publiée aux éditions Génie, à Kinshasa.

Ladite table ronde avait été gérée avec maestria par Joyeux Ngoma, le coup de coeur de la troisième édition du Prix Émilie-Flore Faignond, édition 2024, organisée par le Collectif Littéraire Bookutani. Cet événement qui a eu lieu à la Cour de la Délégation Wallonie-Bruxelles, s’était vu amputer de la présence d’Higelin, le paneliste devant venir du Grand Katanga, pour des raisons inconnues des organisateurs.

Avant d’ouvrir les hostilités, Joyeux Ngoma avait permis à un rapsode d’adoucir les nerfs en vif des protagonistes avec de la poésie slamée. Conséquence : dans l’ensemble, les trois intervenants restants avaient répondu avec pugnacité, teintée d’un zeste de désinvolture, aux préoccupations du modérateur. Heureusement, les aînés présents à l’activité avaient intervenu pour demander à ces jeunes espoirs de la littérature congolaise de mettre un peu leurs fougues condescendantes au réfrigérateur, pour privilégier la sapience. Ba petits bakoli mais… (Les enfants ont grandi mais … NDLR) dirait le défunt Papa Wemba d’heureuse mémoire.

Son Excellence Richard Ali-a-Mutu, ambassadeur de la littérature congolaise et Responsable de la Bibliothèque du CWBK, une de grandes ouvrières de la matérialisation du Concept Grande Rentrée Littéraire de Kinshasa, en pleine interaction avec le public.

Le Temps des Poètes, avec comme
thème :  » La Poésie, une arme ? Entre révolte et résilience « , devrait réunir ensemble Negue Fly, l’auteur de « Vierge de Pakadjuma « , un récit paru aux éditions Mikanda à Kinshasa, Bukondo Wa Hangi, l’auteur de l’ouvrage « La fuite de Dieu », publié aux éditions La colline inspirée, toujours à Kinshasa, le talentueux Grady Mugisho, auteur de « Falaises rouges », un recueil de poème publié aux éditions La Colline Inspirée, à Kinshasa,
ainsi que Félicien NGALAMULUME, avec son opus poétique titré « Être indispensable », publié au Kasaï central. L’organisateur avait signalé au public les efforts fournis par ce paneliste, qui avait emprunté la voie routière, de Kananga à Kinshasa, pour prendre part à cette GRLK. La modération dudit panel avait été confiée au poète Landry Mussaka, le promoteur des Éditions Okapi.

Le poète Bukondo Wa Hangi, qui devrait venir de Goma dans le Nord-Kivu, s’étant inscrit aux abonnés absents, les trois protagonistes restants avaient fait montre d’une grande perspicacité dans les réponses aux questions posées et dans les analyses des problématiques mises en exergue. D’une manière générique, tout ce beau monde avait affirmé que la poésie peut être un outil conséquent pour mener un combat contre un fléau social, mais n’a pas comme seule fonction cette seule perspective. Néanmoins, le public avait réagi en donnant son point de vue ou en posant des questions aux intervenants. Ce fut le cas pour le jeune et brillant poète Youssef Brahn, qui avait à sa manière expliqué le contenu qu’il donnait au rôle de la poésie, en concluant que celle-ci n’avait pas vocation de sauver le monde.

Réagissant aux propos de son jeune émule, le poète Jean-Paul Brigode ILOPI Bokanga avait fait savoir à l’assistance qu’à maintes reprises, face à l’injustice, ou tant d’autres incongruités sociales, la poésie avait amené le monde à penser autrement, notamment dans la lutte contre la ségrégation raciale, et del’esclavage, où les peuples noirs opprimés avaient recouru aux blues, et autres negro-spirituals, pour dénoncer et combattre leurs malheurs.

On peut d’ailleurs lire à la page 10 de son opus poétique titré Mon Afrique qui tangue son credo à ce propos. D’après cet auteur, rendre à la poésie sa vitalité première va booster, comme l’avait si bien dit le prof Kä Mana, les utopies créatrices, ainsi que les révoltes constructrices, pour la transformation sociale. En effet, au moment où l’Afrique a besoin de repenser son mode de vie, en vue de contrer les menaces de l’hyper capitalisation mondiale, la poésie est capable d’aider le continent noir à concevoir son nouveau destin, en créant par exemple des mythes qui favorisent l’émergence de l’Afrique. Il nous échoit alors de recourir à sa capacité d’inter-fécondation culturelle, pour attiser le réarmement de notre imaginaire collectif, en vue de son orientation vers des valeurs ontologiques positives, celles qui ont toujours fondé notre foi en la vie, en l’homme noir, en ses principes de solidarité, de convivialité, de partage et de vivre-ensemble harmonieux.(NDLR)

Photo Famille des slameurs avec l’initiatrice du Projet Congo Slam, Mme Cécile Djunga.

Le poète-philosophe François Médard Mayengo, un contemporain de feu professeur Philippe Masegabio Nzanzu, voire de Mukala Kadima Njuji, avait, quant à lui, mis son expertise encyclopédique en la matière à la disposition des puînés, en leur disant la vraie quintessence de la poésie négro-africaine, depuis les précurseurs jusqu’à la négritude. D’après l’auteur de « Les Amarres Rompus », « Tervuren » et « Du feu et du sang au Congo », ça serait entre autres la poésie de la Négritude, avec bien entendu Aimé Césaire, L.S. Senghor et Léon Damas, qui aurait provoqué l’urgence de la quête de la décolonisation de l’Afrique. En allant dans le même sens que son aîné, Pat le Gourou, le Gardien du Temple, avait fait une objection aux propos de son compère Youssef Brahn. Au finish, quelle que soit la direction prise, c’est la compréhension de la Poésie, dans son entièreté, qui avait remporté la palme.

Ainsi, la soirée de clôture avait commencé avec la « Poésie Slamée » de MAKAY’ART, qui avait fait une prestation formidable, en se faisant accompagner d’un tambourineur et d’un guitariste, sans oublier ses interactions judicieuses avec le public. Avec des pièces poétiques comme « Molaso de la République » ou « La danse des mots », l’art d’Orphée s’était vu cette fois-là confier le rôle de moralisateur.

Cet intermède avait en fait préludé la sélection du finaliste de la province de KINSHASA POUR LE FESTIVAL CONGO-SLAM, une belle initiative signée Cécile Djunga, la nouvelle directrice du Centre Wallonie-Bruxelles de Kinshasa.

Mme Fabienne Zuttermann, exhibant symboliquement le diplôme de mérite de la 1ere lauréate du Prix Zamenga 2024, après l’avoir proclamée comme vainqueure.

Sur les 17 candidats enregistrés, c’est Mlle Djeni Wantela, diplomée en pédagogie générale du lycée Motema Mpika de Kinshasa et amoureuse de la poésie et du Slam, qui l’avait remporté de justesse, grâce aux hourrahs du public. Comme c’était pour la première fois en RDC que le jury d’un concours Slam était constitué de bruits faits en faveur d’un candidat ou d’une candidate, captés par un audi-mètre, d’aucuns avaient voulu récuser cette façon de faire. Cependant, l’assistance avait adoubé Mme Cécile Djunga dans sa vision de départ. Comme l’avait dit Ponce Pilate aux juifs : Ce qui est écrit est écrit ! C’était là la belle réponse du procurateur romain à ceux qui avaient voulu contester les inscriptions mises sur la couronne d’épines de Jésus-Christ, pour leur rappeler que l’innocente personne qu’ils avaient envoyée à la crucifixion était leur roi.

La tension avait prix de l’ascenseur lorsque M. Richard Ali, le maître de céans, avait annoncé la PROCLAMATION DES LAURÉATS du PRIX LITTÉRAIRE ZAMENGA 2024, tout en précisant que pour cette édition, il n’y avait eu aucune restriction d’âge. D’après les conclusions des membres du Jury, en l’occurrence le prof Jean-Marie Ngaki, Mme Marthe Bosuandole, et le Prof Florent Babaapu , sur plus d’une centaine de candidats, seuls les dix auteurs plébiscités ont été primés, au regard de la qualité de leurs nouvelles. Mais ces derniers avaient un peu regretté que presque 80 % du thème exploité aient été concentrés sur la question sécuritaire à l’est de la RDC. Ils ont encore recommandé aux prochains participants de faire un peu plus d’effort pour la gestion de la langue.Pour le reste, tout est bien qui finit bien.

Une vue du public lors de la clôture de la 9eme GRLK.

Ainsi peut-on tout de suite dire à nos lecteurs que c’est la jeune écrivaine Jehonissi Salumu (de Lubumbashi/ Haut-Katanga) qui succède à Hanna Nsenda (Kinshasa) à la première place du podium. Malheureusement, la récipiendaire n’avait pas été au rendez-vous pour recevoir son diplôme de mérite, ainsi que son chèque de 1000 $ US.

Media Actualité, qui transmet ses vives félicitations aux 10 heureux primés, vous en donne ci-dessous la liste complète.
1️⃣ Jéhonissi Salumu (Lubumbashi, Haut-Katanga) – « ACCORD »
2️⃣ Ikuzwe Niyigena Mireille (Goma, Nord-Kivu) – « Le centre du cœur »
3️⃣ Arsène Mabingo (Kinshasa) – « Celles qui tiennent debout »
4️⃣ Maseka Ndondji Hakim (Lubumbashi) – « Une autre séparation »
5️⃣ Nzanzu Muhayrwa Lwanzo (Lubumbashi) – « J’irai marcher sur vos bombes »
6️⃣ Isaac Sibu Mabiala (Kinshasa) – « Tisseuse de la Paix »
7️⃣ Grace Kakera Bilola Kakera Lmg (Kinshasa) – « La disparue »
8️⃣ Patrick Kitenge (Kinshasa) – « L’infernale hésitation »
9️⃣ Pedine-Liliane Wasongolua Nkidiaka (Kinshasa) – « Elikya, maîtresse de silence parlant »
🔟 Destin Justice-Safari (Bukavu, Sud-Kivu) – « J’ai vécu ce qu’ils ignorent ».

On remarque aisément la montée en puissance des nouvellistes du Grand Katanga, qui ont raflé le 1er, le 4eme, et le 5eme prix, même si Kinshasa a fait de la résistance avec 5 places au classement, dont un seulement au podium, en l’occurrence le 9eme, 8eme, 7eme, 6eme et 3eme prix, tandis que le Nord-Kivu s’est retrouvé au piédestal avec un seul prix, le deuxième, mêmement pour le Sud-kivu, qui a occupé la 10eme place avec le seul prix obtenu, avait fait savoir Son Excellence Richard Ali-a-Mutu, nommé ambassadeur de la littérature congolaise par le Collectif Littéraire Bookutani.

Pat Le Gourou, le Gardien du Temple, 8eme au classement de 10 primés du Prix Zamenga 2024, posant avec Jean-Paul Brigode ILOPI Bokanga, le grand manitou de la littérature congolaise (dixit Abbé prof Emmanuel Eyenga Ndjoli), celui-là même qui venait d’annoncer au public sa prouesse.

Cependant, les initiés auront vite remarqué que le célèbre Pat Le Gourou, autrement dit « Le gardien du Temple », avait été à la 8eme position, sous son nom inscrit à l’état civil de Patrick Kitenge, et son diplôme de mérite littéraire lui avait été remis par le poète Jean-Paul Brigode ILOPI Bokanga, que le prof Abbé Emmanuel Eyenga Ndjoli appelle affectueusement « Le Grand Manitou de la littérature congolaise ». Prémonition ou simple coïncidence ? D’aucuns pensent mordicus que cela risque de produire un très beau sujet d’Actu-poésie. Croisons donc les doigts !

C’était avec cette proclamation pleine de suspense que M. Richard Ali et Mme Cécile Djunga avaient clos la neuvième édition de la GRLK, en conviant leurs convives d’aller vers le bar gracieusement mis à leur disposition dans la cour de la Délégation Wallonie-Bruxelles par la Société Bracongo, en vue de boire un verre de limonade ou de bière, à la santé des panelistes et des lauréats. Rideaux !

La rédaction.

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