Affaire Constant Mutamba : Avec le quitus de l’Assemblée Nationale, « Alecta jacta est » ?

Politique
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Depui le jeudi 29 mai, avec l’autorisation de la chambre basse du parlement, la cour de cassation peut entamer des poursuites judiciaires contre Constant Mutamba, le Ministre d’État chargé de la Justice et Garde-sceaux, pour un prétendu détournement d’un montant de 39 millions, ou de 19 millions, selon le cas, destiné au départ à l’aide aux sinistrés de Kisangani, et par la suite, à la construction de la prison de la troisième grande ville de la RDC, le chef-lieu de la province de la Tshopo. A en croire les parlementaires congolais, ce candidat malheureux à la magistrature suprême aux élections de 2023 aurait agi comme un prestidigitateur, attirant l’attention de la multitude sur sa main droite, quand celle gauche jouait des tours de passe-passe financiers. Avec ce verdict implacable, les carottes semblent bien cuites pour le dynamique jeune ministre d’État.

A regarder attentivement les différents scénarios, le grand gagnant dans cette affaire scabreuse se trouve être le Procureur Général près de la Cour de Cassation, celui-là même que le nommé Constant Mutamba avait malmené il y a quelques mois, en ordonnant l’ouverture d’une enquête sur son acquisition burlesque d’un immeuble en Belgique. L’annonce de ce scandale immobilier, qui avait fait mouche à l’époque, avait été faite le vendredi 22 novembre 2024 par le ministre d’État chargé de la Justice et garde-sceau en personne. Et ce, pour dissiper les zones d’ombre autour de l’achat d’un immeuble à Bruxelles d’un montant de 910 000 euros par Firmin Mvonde, procureur général près la Cour de cassation, l’acquisition controversée ayant été révélée par le journal Africa Intelligence, disait-il. En tout cas, l’origine des fonds ayant permis cet achat a soulevé beaucoup de points d’interrogation. Face à cette révélation accablante, l’enrichissement illicite d’un de grands manitous de l’appareil judiciaire congolais avait apparu comme une trahison des fondamentaux de sa fonction de procureur général près la Cour de Cassation.

Aujourd’hui, le jeune arroseur se trouve arrosé par ce briscard chevronné de rouages judiciaires, qui lui a montré de quel bois il se chauffe. Si on se réfère à l’adage selon lequel quand un poussin réussit à remplir une marmite, c’est que sa mère se trouve en dessous, on pourrait oser dire que derrière le plaignant, il y aurait des commanditaires qui agissent à l’ombre. D’ailleurs, le ministre mis en cause, et une grande frange de la population avec lui, pensent mordicus qu’il s’agit bel et bien d’un complot visant à tenir son image de marque. En effet, le populiste Constant Mutamba devient si populaire dans le milieu de la jeunesse congolaise et dans celui des populations défavorisées que certains le qualifient déjà de « Dauphin » de Fatshi-Beton. Depuis que l’Assemblée Nationale l’a livré mains et poings liés à la justice, la rue et la clameur publique le considèrent comme un nouveau « Lumumba », victime de sa probité morale et de sa farouche détermination à en découdre avec les auteurs des anti-valeurs, ainsi qu’avec les affameurs du peuple congolais. Le concerné avait lui-même annoncé les couleurs dans cette direction lors de sa sortie médiatique du lundi 26 mai 2025 au palais de la justice de Kinshasa. Ainsi avait-il fustigé son adversaire, en le rangeant notamment dans le même groupe que les « kabilistes maffieux ». En se référant au dieu de ses ancêtres, qui serait plus grand que celui de ses contradicteurs, Constant Mutamba a dit n’avoir pas peur de l’engeance qui lui cherche noise, encore moins de la prison. Ce langage un peu primesautier lui a toutefois valu diverses objections, surtout en sa qualité d’homme d’état. Aussitôt d’ailleurs, le sphinx Ne Kongo qui gère la Cour de Cassation a envoyé son deuxième réquisitoire à l’Assemblée Nationale contre le sémillant minétat chargé de la Justice et Garde-Sceaux, pour outrage à la magistrature.

D’après le rapport de la Commission spéciale du parlement, l’homme aurait reconnu avoir commis des erreurs et présenté ses excuses, mais ‎en dépit de celles-ci, l’autorisation des poursuites contre lui a été accordé au procureur général près la Cour de cassation aux fins de l’instruction à charge et à décharge. Maintenant que la chambre basse du Parlement a répondu favorablement à la requête de Firmin Mvonde, pour la mise en examen de celui qui a mis de l’huile dans le feu dans le dossier de l’achat de son immeuble à Bruxelles, d’aucuns pensent que le PGR près la cour de cassation à réussi à mettre le bâton dans les roues de son pourfendeur. De toutes les façons, même si Constant Mutamba arrive à sortir sain et sauf de ce bourbier, il va assurément y laisser les plumes. Ils sont de plus en plus nombreux, ceux qui, comme Eugène Diomi Ndongala, voire Vital Kamerhe, lui rappellent que la Constitution, dans son article 166, alinéa 3, stipule que tout membre du gouvernement visé par ce genre de charges doit démissionner. En cas de refus ? Dans un pays où la lutte contre l’impunité est un fait, on ne fait pas joujou avec la loi établie, lui prévient-on. Un autre son de cloche fait mention de l’article 167, qui permettrait à Constant Mutamba de se présenter au parquet tout en vaquant librement à ses occupations ministérielles. Que nenni ! ledit article ne fait allusion qu’au premier ministre et au président de la république, et non aux membres du gouvernement, rétorque-t-on.

En sus, les détracteurs du ministre vilipendé risquent de faire d’une pierre deux coups, en s’acharnant également sur Jules Alingete Key, le désormais ex chef de service de l’Inspection Générale des Finances, le colistier de Constant Mutamba dans la lutte contre la corruption et le détournement des deniers publics. D’après certaines sources fiables, au moment où celui-ci pense jouir calmement des avantages de sa retraite précipitée et de son éméritat, l’épée de Damoclès serait toujours suspendue au-dessus de sa tête. Car Willy Musheni, surnommé “code ya Mboka” par les stars de la Rumba congolaise, dont on dit être son proche collaborateur, est cité comme l’actionnaire principal de la fameuse société Zion Construction, créée seulement en 2024 avec un capital de 5 000 US, laquelle a comme par enchantement signé le contrat de gré à gré avec le membre du gouvernement mis en indexe, pour la construction de la prison de Kisangani. Pour les ergoteurs professionnels, c’est clair comme l’eau de roche, il y a anguille sous roche.

Mais rira bien qui rira le dernier, dit-on. Constant Mutamba, tout en réitérant son indéfectible attachement à Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, le président de la Rd Congo, se dit prêt à éventrer le boa. En outre, l’honorable Eliézer Ntambwe, s’adressant à ses pairs de l’Assemblée Générale, leur a prié d’éviter de traiter des choses aussi délicates avec émotion, dixit honorable Kamerhe, le président de l’Assemblée Nationale. Pour celui-ci, l’histoire risque de retenir que les élus du peuple ont envoyé aux gémonies un jeune digne patriote et membre du gouvernement, qui travaille avec dévouement pour les intérêts du peuple congolais, de crainte de dresser le lit des ennemis de la République. Toutefois, si on fait crédit au rapport de la commission spéciale de l’Assemblée Nationale, qui envoie le patron du ministère congolais et garde-sceaux devant la Cour de Cassation, on peut dire sans crainte d’être contredit : Le vin est tiré, il faut le boire ! Mais pazopo ! aimait dire le vieux sage : Il ne faut jamais vendre la peau d’un léopard avant de l’avoir tué. Dans ce genre de situation, le cas du procès de 100 jours devrait en principe servir de jurisprudence.

Jean-Paul ILOPI Bokanga/Directeur de rédaction.

1 thought on “Affaire Constant Mutamba : Avec le quitus de l’Assemblée Nationale, « Alecta jacta est » ?

  1. Laissons le temps au temps, ne confondons pas précipitation et vitesse car cette vie est pleine de surprises et de rebondissements.

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